Une renaissance – Part I

Il y a deux semaines, je dépose Harold à la crèche, comme tous les mercredis. Ce matin-là Harold a l’air particulièrement en forme, énergique et souriant. Une des puéricultrice me dit qu’il fait plaisir à voir et qu’il progresse à vue d’oeil en ce moment : comme pour illustrer ses propos, Harold nous regarde, rayonnant, arc-bouté sur ses deux mains, si heureux de retrouver ses compatriotes de crèche. Je m’en vais, insouciante. Quelques heures plus tard, un coup de fil de la crèche : Harold a 38.9 de fièvre.  Nous ne sommes pas particulièrement inquiets; est-ce une dent qui pointe ? Il serait temps… peut-être un virus bénin comme il en rôde tant en ce moment. Nous n’allons pas nous précipiter chez le médecin ; d’ailleurs les dernières recommandations du généraliste qui le suit me reviennent en mémoire :  » une fièvre isolée ne doit pas être un motif de consultation, donner du Doliprane, attendre 24 heures;  le plus souvent ça passe tout seul… » De toute façon nous sommes plus préoccupés par la vilaine conjonctive de Théodore et puis Harold dort à poing fermé, quel meilleur remède que le sommeil ? Le soir venu, la fièvre d’Harold persistant, je décide de lui donner un bain d’eau tiède pour baisser sa température, ce qui me permet de constater la présence de boutons éparses sur la poitrine. Nous hésitons à appeler SOS médecin, décidons finalement d’attendre le lendemain matin…

Au réveil nous retrouvons un Harold gémissant, amorphe, pantelant…L’arrivée d’un médecin est prévue pour le courant de la matinée. Par chance il arrivera immédiatement. Le cas d’Harold le laisse sceptique, « il ya des virus bizarres qui circulent en ce moment » « ces boutons ressemblent à de l’eczéma ». Nous insistons : Harold n’a aucun répondant, nous ne reconnaissons pas notre bébé alors « par acquit de conscience », il nous envoie aux urgences de l’hôpital mère enfant de Bron, « par acquit de conscience » répète-t-il parce qu’il y a de fortes chances pour que ce ne soit rien de sérieux. Alors Laurent délaisse ses obligations professionnelles pour conduire Harold à l’hôpital. Moi je reste avec Théodore. De toute façon, j’attends une amie qui doit passer la journée avec moi.

De mon côté, la matinée s’écoule dans un semblant de normalité mais un état latent d’angoisse m’envahit. J’essaye de joindre Laurent mais sans succès alors je me « raisonne » et me compose une mine de relative tranquillité…Pourtant Laurent de son côté vit déjà l’enfer des urgences. Dès son arrivée, le cas d’Harold provoque l’affolement des médecins. On le lui arrache sans un mot d’explication mais Laurent devine tout seul la gravité de la situation.

A la maison, les minutes s’égrènent difficilement. Je tourne comme un lion en cage à l’affût de la moindre bribe d’informations. Celles qui me parviennent restent parcellaires, Laurent me ménage, je le sens…Horrible de ne pas être ensemble. Puis viendront progressivement les termes de « purpura fulminan », « miningite bactérienne », « coma artificiel »…Je me rends quelques heures plus tard à l’hôpital, nous sommes autorisés à aller le voir, endormi, si beau, si vulnérable avec tous ces tubes… Un médecin nous isole pour nous expliquer les enjeux de cette très grave maladie, il répertorie toutes les séquelles possibles mais la seule chose que nous retenons à ce moment-là, c’est le fait que sa vie soit en jeu; les 48 heures prochaines seront décisives. Alors je commence à retenir ma respiration. Nous retenons tous notre respiration.

2 réflexions sur « Une renaissance – Part I »

  1. Merci de nous faire partager cette épreuve en détail. Nous pensons toujours très fort à vous.
    Effectivement le visage serein et magnifique d’Harold endormi ne nous laisse pas imaginer l’intense combat intérieur contre la bactérie.
    Un sacré petit bonhomme.

  2. Je ne crois pas qu’on puisse accepter que tout tienne à un fil, que la vie soit si fragile…Pendant ces 48h passées à la frontière de la vie, la pire journée pour moi a été le vendredi. 24h s’étaient écoulées, une grande partie du chemin avait été parcourue, mais je n’arrivais pas à supporter qu’il faille résister encore aussi longtemps. Le jeudi, soudés avec Bruno et Nathan il était presque impossible de penser au pire. Le vendredi, seule dans le métro, seule dans mon bureau, j’ai commencé par me laisser enfermer dans toutes mes craintes. Je ne pouvais plus parler, je ne pouvais plus réfléchir, seulement penser à Harold de toutes mes forces, aussi fort que ma douleur.

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