Chrysalide

Dans le courant de son quatorzième mois, Harold a quitté l’enveloppe du gros bébé rieur et placide pour donner naissance à un petit bonhomme volontaire et acharné. S’il reste un enfant facile et joyeux, le fait d’être constamment confronté à ses limites corporelles peut le rendre coléreux et enragé.

Privé du plaisir de se mouvoir librement, l’admiration et la dévotion sans borne qu’il voue toujours à son grand frère se mue parfois en envie et en jalousie farouches.

Désormais, quand son frère est en possession d’un objet, Harold joue des coudes pour se l’approprier, il pousse, il s’énerve, il tente d’arracher l’objet convoité et, de guerre lasse, il tire les cheveux de son rival…Mais malgré tout cet acharnement au combat, Théodore n’a évidemment aucune difficulté à garder le contrôle et  Harold accepte très mal sa défaite, vivant  la suprématie physique de son aîné comme une injustice absolument odieuse…

Entre rivalité et complicité, les relations des deux frères évoluent vers plus de complexité mais aussi plus d’intéractions, plus de jeux communs et de fous-rire partagés. Jours après jours, nous réalisons l’importance pour Harold d’avoir un grand frère et à quel point celui-ci lui donne envie d’avancer, au propre comme au figuré.

Malgré toutes les mesures que nous prenons pour favoriser un environnement propice au sommeil –l’éviction systématique des livres, une lumière tamisée, une chanson douce que lui chantait sa maman, plus de café après 17h 🙂 – Harold ne nous épargne pas quand on le couche et il lui arrive encore de se réveiller en pleurs la nuit. Nous sentons que le petit homme appréhende la séparation. Grâce à de grandes discussions avec son papa, nous avons compris que l’origine de cette angoisse provenait de la propre angoisse du père de revivre la nuit terrible  où nous avons dormi sur nos deux oreilles tandis que la maldie poursuivait son travail dévastateur… Hanté par ce sentiment coupable, Laurent passe ses nuits à « veiller » sur ses enfants.

Pour ma part et contrairement au papa, j’ai plus de mal à me détacher d’Harold le jour, quand je le dépose à la crèche, et il est d’ailleurs amusant de constater que je suis la seule à profiter de son grand numéro de tragédien éploré…

Finalement élever un enfant c’est aussi et surtout apprendre à ne plus être dupe de soi.

4 réflexions sur « Chrysalide »

  1. Je trouve ça formidable que vous ayez pu déceler tout ça au travers du comportements de vos petits bouts, car ce n’est pas toujours facile à interpreter. Et maintenant que les maux ont des mots la victoire pour des nuits sereines me parait plus proche…

  2. Je partage le commentaire d’Alice, en espérant que l’angoisse du papa -maintenant que la source est connue et reconnue- puisse se muer en une simple inquiétude, comme quand les nouveaux-nés dorment si sereinement et sans bruit et qu’oncherche leur petit souffle chaud.

    J’ai lu aussi je ne sais plus trop où que c’était important de nommer les émotions ressenties pas nos petits, en plus de celles qu’on ressent nous. Maintenant quand Nathan est en colère on le lui dit en lui expliquant pourquoi d’après ce que l’on a senti et j’ai l’impression qu’il nous en est reconnaissant.

    Et pourquoi la colère ne servirait-elle pas de moteur ?

    Et puis c’est bien les petits mecs qui ont du caractère !

  3. Dis-donc la tata Audrey. J’ai du caractère mais je suis pas un petit mec. D’ailleurs même maman le dit: je suis un grand tragédien. Quand je fais semblant de pleurer, tout le monde y croit. Et ma maman, c’est une grande comédienne.

  4. J’aime et approuve totalement la conclusion d’Isaure sur ce que nous apprennent nos enfants et n’ont pas fini de nous apprendre.

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